Interview du cofondateur de construire-sa-moto-electrique.org
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19 septembre 2020 à 16 h 30 min #19743
Cette interview a été réalisée par mes soins suite à la découverte de ce site, qui parle notamment – en profondeur – de la Super Soco TC MAX.
Créé par trois amis d’enfance, construire-sa-moto-electrique.org est un site internet français. Les trois amis y racontent notamment la construction de leur propre moto électrique. Grâce à leurs remarques, les visiteurs peuvent contribuer à la construction de la future moto, ou s’inspirer des recherches et avancées du groupe pour fabriquer la leur. Ce site se veut participatif. Julien Vaïssette est le cofondateur de construire-sa-moto-electrique.org.
Qui êtes-vous ?
Nous sommes pour l’instant une équipe de 3 : Jean-Charles, 26 ans, et moi, Julien, 25 ans. Nous sommes basés à Toulouse. Jean-Charles s’occupe d’illustrer tous les articles et les e-mails que j’écris. Nous travaillons à distance avec Hans, 24 ans, qui s’occupe de tout ce qui touche le site internet. Nous sommes des amis d’enfance, nous nous connaissons donc depuis un certain temps.
En parallèle de la conception de la moto électrique, on a tous une activité : Hans et Jean-Charles travaillent respectivement en marketing dans une petite boîte et comme vendeur dans un magasin toulousain. Quant à moi, je suis ingénieur mécanique, actuellement en doctorat. En vérité, nous sommes un peu plus nombreux que ça. Mais pour l’instant, je suis tenu de ne pas dévoiler ceux qui participent à la conception de la moto, par pudeur pour leurs employeurs actuels.
Quelle est votre expérience en deux-roues motorisés ?
Mon expérience des motos est très simple : c’était au bon vouloir de mes parents. Le problème, c’est qu’ils m’ont toujours dit qu’ils m’offriraient mon permis B et ma voiture, et que je devrais m’arranger pour le reste. Ils s’y sont tenus ! Donc pas de BSR, et pas non plus de 125 à 16 ans, à mon plus grand désarroi.
La suite a été de trouver l’argent nécessaire pour se payer le permis A2 et la moto, car voilà, autant passer directement aux choses sérieuses. Ce moment n’est venu qu’avec mon premier salaire récurrent, pendant mon stage de fin d’études. Je ne suis donc motard que depuis 2 ans.
Que pensez-vous des deux roues thermiques aujourd’hui ?
Je pense que si on les prend pour ce qu’ils sont, ils font exactement le travail qu’on leur demande. Les routières roulent et les sportives font du bruit. Ce que je regrette, c’est la mode qu’on observe en ce moment du tout polyvalent. Avec l’avènement des roadsters, on veut une moto qui soit capable de rouler en ville, sur voie rapide et dans les routes sinueuses.
Avec cette tendance, on aboutit à des motos qui ne sont bonnes nulle part. Elles font juste le strict nécessaire. Mais je ne crache pas dans la soupe, car je roule aussi sur une moto thermique : une laborieuse ER-5 de 1998. C’est un roadster, donc je devrais ne pas l’aimer, mais j’aime sa vision utilitariste. Elle fait ce qu’on lui demande de faire : c’est-à-dire rouler, de manière économique et en affichant néanmoins une puissance qui permet d’accélérer si besoin.
En somme, je n’espère pas la mort des motos thermiques. Elles sont encore pertinentes dans de nombreux domaines. En revanche, j’appelle la mort de certains roadsters thermiques.
Où en êtes-vous de votre projet de construire votre propre moto électrique ?
Au début ! En réalité, lorsque l’idée de fabriquer une moto électrique s’est présentée en 2017 avec deux copains d’école d’ingénieur, on s’est lancés à corps perdu dans sa conception. Si bien qu’un an plus tard, on avait la 3D de notre moto, et un bloc motopropulseur plus ou moins dimensionné. Mais le stage de fin d’études est passé par là, suivi par l’entrée dans la vie active. On n’avait plus assez de temps à y accorder.
Le projet s’est donc mis en pause pendant 1 an, jusqu’à ce qu’avec Hans et Jean-Charles, on se décide à s’y remettre. Mais quand j’ai revu la 3D, j’ai réalisé à quel point c’était « une moto de branleurs ». C’est-à-dire qu’elle avait tous les défauts que peut présenter une moto électrique conçue par des étudiants incultes dans le domaine et remplis de préjugés. C’était une moto orgueilleuse dont je n’étais pas fier.
Alors on a décidé de faire table rase. Et de recommencer par les bases : il fallait devenir de vrais experts des motos électriques. Aujourd’hui, ça fait un an que j’étudie quotidiennement et avec sérieux tout ce qui s’approche de près ou de loin des motos électriques. Et je réalise à quel point concevoir une excellente électrique prend du temps. Manque de chance, on veut que notre moto électrique soit excellente. On prendra le temps nécessaire.
Que souhaitez-vous construire comme moto (style, puissance, catégorie) ?
On hésite essentiellement entre deux catégories à fort potentiel : les équivalentes 125 (dont le marché grossit d’année en année) et les équivalentes A2 (pour répondre aux jeunes permis qui cherchent une offre électrique). Notre choix n’est pas encore fixé, et on s’attachera à demander à notre audience ce qu’ils en pensent avant de faire quoi que ce soit.
Quant au style, c’est le néo-rétro qui nous tente. Sans évidemment entrer dans le cliché du mimétisme thermique, on pense qu’il est possible de produire une moto électrique avec un style qui n’aurait pas déplu à Steve McQueen. Sur ce point, on est beaucoup plus sensibles à la Livewire de Harley qu’à ce que fait Zero Motorcycles.
Quel budget pensez-vous devoir y consacrer ?
Dans notre audience, il y a quelques créateurs de startups de motos électriques qui m’ont parlé de leur budget. Le budget total nécessaire à la conception et l’homologation d’une moto électrique s’élève à plusieurs centaines de milliers d’euros. C’est le prix à payer, et nous le paierons. Pour ça, nous avons identifié deux possibilités : soit on procède par prévente ou crowdfunding avec un délai assez long, soit on trouve des financements. Les deux solutions sont parfaitement envisageables et chacune apporte ses avantages et ses inconvénients. Mais à nouveau, on fera ce choix selon ce que nous dira notre audience.
Combien de temps ?
On connaît notre feuille de route jusqu’à la 3D de notre prototype. Combien de temps ça prendra, c’est difficile à dire. Mais je suis sûr que vous suivrez nos avancées ! La suite dépendra de la stratégie qu’on aura choisie.
Pourquoi ne pas tout simplement en acheter une ?
L’offre actuelle ne nous convainc pas du tout. J’en parle souvent dans mes articles, mais je désespère d’entendre en boucle la communication de tous les constructeurs que je connais qui se vantent de leurs motos écologiques. Ils laissent penser qu’une moto électrique est nécessairement écolo. En réalité, ce n’est pas parce qu’une moto électrique est plus écolo qu’une moto thermique qu’elle est écolo dans l’absolu. Il en faut un peu plus. Il faut par exemple utiliser les solutions déjà existantes pour réduire l’exploitation du cobalt ou des terres rares. Il faut aussi reconnaître qu’extraire des minerais en Asie, en Afrique ou en Amérique du Sud n’est pas nécessairement plus responsable qu’extraire du pétrole.
Et ça, les constructeurs le glissent sous le tapis. Ça m’agace, car les motards ne sont pas la même cible que les automobilistes. Ils sont plus intéressés, plus curieux et plus attentifs aux détails. Et ils n’aiment pas qu’on les prenne pour des idiots. Ce qui explique d’après moi pourquoi une grande partie d’entre eux rejettent les motos électriques avec leur communication grotesque.
Quel usage aura-t-elle ?
Pour l’instant, je trouve que les motos électriques sont bien plus pertinentes en ville : leur faible autonomie n’y est pas un problème, l’absence de bruit et d’émissions est un atout et leur réactivité leur permet de s’y sentir confortables. Que notre moto soit une équivalente 125 ou A2, elle sera donc majoritairement axée sur un usage urbain. Néanmoins, sans chercher la polyvalence à tout prix, elle sera capable d’aller sur les nationales et les périphériques sans trop de frayeurs.
Comment et où travaillez-vous (un atelier, quel outillage…) ?
Nous n’avons aucun atelier aujourd’hui. C’est ça la réalité du métier d’ingénieur mécanique : tout se passe sur ordinateur. Mais on cherche déjà un petit local à Toulouse pour installer notre premier atelier. On veut d’abord se faire la main sur un retrofit, puis fabriquer notre premier prototype.
D’où vous est venue l’idée de monter votre site internet ?
Il y a trois raisons à ce site. Sa raison première, c’est celle qui nous a amenés à acheter notre nom de domaine (construire-sa-moto-electrique.org) : il était un moyen de commencer le travail immédiatement, sans remettre à demain. Car on savait que s’engager auprès de lecteurs passionnés était la meilleure manière de ne pas procrastiner.
La deuxième raison, c’est que même en cas d’échec de notre moto électrique, on aura produit quelque chose pour faire avancer notre cause. Cette cause est simple : participer à l’élaboration de mobilités plus respectueuses envers l’humain et le vivant en général. Documenter ce qu’on apprend, partager notre savoir et aider ceux qui nous posent des questions est une première manière de participer à cette grande cause.
C’est pour ça qu’on prend du temps pour écrire précisément le mode d’emploi qu’on suit pour concevoir notre moto électrique. D’autres pourraient être tentés de le faire pour eux, ou de commercialiser leurs motos. C’est exactement ce qu’on cherche : un partage des savoirs qui amène à des résultats imprévisibles. Michel Serres disait que l’intérêt de partager la culture, c’est que quand je donne ce que je sais, l’autre gagne ce que je sais et pour autant, je ne perds rien.
Enfin, la troisième raison est ce que les startupers appellent le « Product Market Fit ». Autrement dit, l’alignement du produit qu’on vend avec ce dont le marché a besoin. Grâce à ce site, on se confronte à ce que veulent les motards. On ne fait pas d’hypothèse fumeuse dans un business plan compliqué. On est pragmatiques.
Comment voyez-vous l’avenir des deux roues (thermiques comme électriques) en France ?
Je le vois prometteur. Mais pas gagné du tout. Car on arrive dans un temps de sobriété énergétique, pour lequel la mobilité deviendra une problématique de premier plan. Il faudra alors élaborer des plans pour permettre à chacun de trouver une solution particulière à ses besoins particuliers de mobilité. Je crois que les motos électriques et thermiques doivent faire partie de ce plan.
Il me semble d’ailleurs qu’on gagnerait beaucoup à faire le chemin inverse de ce que font les pays asiatiques en ce moment : ils passent d’une flotte dominée par les deux-roues à une flotte dominée par les voitures. Sans parler d’une domination des deux-roues, le passage d’une voiture à un deux-roues dans un usage quotidien fait partie des réponses aux problèmes de sobriété énergétique qu’on doit évaluer.
Car quand on transite seul dans une ville sur seulement quelques kilomètres, l’utilisation d’une voiture (qu’elle soit thermique ou électrique) est un non-sens énergétique. D’ailleurs, j’aimerais conclure sur une prise de recul à propos des motos électriques : la cause que je défends est une mobilité plus respectueuse de l’environnement. Les motos électriques sont un moyen d’y arriver, pas une fin. Il est bon de s’en rappeler. Et au moins, ça sera gravé dans le marbre grâce à votre site 😉
Merci de m’avoir invité, et merci pour la tribune que vous offrez pour discuter de ces sujets ici !
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